mardi 7 avril 2015

Abbé Jean-Bapstiste Aubry - La querelle des classiques

Je ne suis pas fixé sur toutes ces questions qui regardent la grande et célèbre querelle des classiques; et je ne voudrais pas être obligé de leur donner une réponse. Mais une chose certaine, c’est que, parmi les réclamations des partisans d’une restauration dans un sens plus chrétien et au moyens des classiques et des livres chrétiens, il en est de bien justes et de bien frappantes. En voici deux :

Ne pas cantonner l’étude de la religion dans un ordre de devoirs sans attraits; et ne pas réserver à l’étude du paganisme toute la partie littéraire, poétique et artistique de l’éducation; en sorte que les idées religieuses ne se présentent plus au jeune étudiant que sans attraits, sombres tristes et rebutantes.

Choisir toujours, ou ordinairement, pour sujet de composition littéraire à donner à l’élève des sujets chrétiens où il ait à s’enthousiasmer pour la vertu, et où son imagination, son cœur soient tout entiers occupés à vêtir une pensée pieuse de tous les attraits dont la jeunesse a besoin de vêtir les choses pour les aimer. En ceci du moins on ne pourra pas dire qu’il y ait aucun profit littéraire et intellectuel à choisir des sujets païens, ni que l’éducation ait aucun intérêt à les préférer aux sujets chrétiens; et on peut accorder cela aux ennemis de la littérature classique sans compromettre les arts.

La question des classiques, si grand bruit qu’elle ait fait, et si grandes soient les explications qu’elle a provoquées, n’est pas assez tranchée pratiquement pour qu’on ose s’aventurer à donner un plan pratique. Je me bornerai à présenter dans sa crudité et sa simplicité une réflexion qui ne me paraît pas légère.

Il est reconnu que le monde païen, au moment de la venue de Jésus-Christ, était au comble du mal intellectuel et moral, et que jamais la société n’a été et ne pourra être plus bas. Sur quoi je dis : il est bien étrange qu’en pleine civilisation chrétienne on nous donne, comme règle de l’art dans toutes ses applications, d’aller chercher les modèles de tous les arts, de la littérature, etc., dans celle de toutes les époques de l’histoire qui est reconnue et proclamée la plus livrée au mal.

L’éducation est devenue païenne. Comment, dès lors, s’étonner de la disparition de la foi? Je ne tranche pas la question des classiques; elle est grosse d’orages, et je renvoie, pour sa solution, aux hommes du métier. Mais un fait est certain, c’est que ce qu’on donne le moins à l’âme de nos enfants, même dans l’éducation des jeunes gens destinés au sacerdoce, c’est l’aliment chrétien. – Semen… verbum Dei.

Je ne voudrais pas me prononcer, mais, j’avoue que quand on a accusé les études modernes d’être païennes dans leur esprit, il y a des raisons pour cette thèse, et la plus forte, selon moi, bien qu’elle ait été peu remarquée ou peu exploitée, est celle-ci : Le fond des études rationnelles, c’est la philosophie; or, les études philosophiques modernes sont imprégnées de l’esprit de Descartes qui est un esprit païen, la destruction de la philosophie chrétienne.
Abbé J.-B. Aubry - Mélanges de philosophie catholique, p. 292-293

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